St-Georges-les-Bains et St-Marcel-de-Crussol. – La source thermale. – Baignoires primitives. – La piscine au siècle dernier. – Les maladies qu’on y guérit. – Le déjeuner sous les platanes. – Les améliorations en cours. – L’antiquité de ces eaux. – L’opuscule de Philibert Bugnyon. – Bonaparte à St-Georges.
Derrière Charmes s’ouvre une gorge où passe la route de Vernoux qui conduit à St-Georges.
Le paysage est gai. Il y a des champs de luzerne où les papillons blancs coquettent avec les fleurs bleues et s’ébaudissent comme de vrais épicuriens, dans cette atmosphère parfumée. La végétation a un air de fête et les vignes grimpent aux arbres comme pour voir arriver les baigneurs.
Bientôt l’on est en vue du village de St-Georges, qui, de loin, a l’air des plus avenants. A droite, on aperçoit le château de Piermal qui appartient à la famille Anselme des Pomeys.
Une ordonnance royale du 5 octobre 1825 réunit les deux communes de St-Georges et de St-Marcel-de-Crussol en une seule commune, sous le nom de St-Marcel-de-Crussol, mais, en 1860, un décret impérial autorisa cette commune à substituer à ce nom celui de St-Georges-les-Bains.
C’est St-Marcel évidemment que vise le passage suivant du Cartulaire de St-Chaffre : villa quœ dicitur Sti-Marcelli Amilhosco (?) quœ est in vicaria Soionense, car immédiatement après, il est question d’une villa Artis qui est sous le château de Crussol. St-Marcel, aujourd’hui simple hameau de St-Georges, était autrefois une succursale de l’abbaye de Cluny. Les Bénédictins firent bâtir sa petite église, de forme latine, qui remonterait au XIVe siècle.
Les sources minérales sont au delà du village de St-Georges, dans le lit du torrent appelé Turzon. On descend pendant un kilomètre par une route fort pittoresque où les chênes-verts, les châtaigniers, les bruyères et les genêts jaillissent des crevasses des mamelons granitiques auxquels le temps et les saisons ont donné une teinte violette. Le grand soleil échauffe d’une poésie particulière cette gorge à la fois sauvage et riante.
Nous saluons en passant les ruines du château de St-Marcel-de Crussol, qui s’élèvent en face de nous, de l’autre côté du ravin. Il y a cinq ou six ans, on trouva à St-Georges les débris d’un autel qui provenait du château de St-Marcel. Cette vénérable relique servait d’évier. Elle est aujourd’hui au musée de St-Germain.
La station se compose d’un modeste établissement de bains et de deux hôtels.
La source sort des fissures du granit à quelques mètres au-dessus du lit du ruisseau. Son débit est de neuf cents hectolitres par vingt-quatre heures.
Elle forme dans le rocher un bassin en forme de puits carré, d’un mètre environ de côté et d’une profondeur un peu plus grande. L’eau, fort claire, est tiède (24 à 25°), fade et un peu onctueuse avec un léger goût d’encre ; elle prend un goût de soufre après un certain temps de bouteille. Il s’en dégage quelques bulles de gaz ; elle laisse déposer un sédiment jaunâtre dont on vante les vertus pour les gerçures et les blessures même profondes.
En contrebas du rocher, sont douze baignoires en pierre, où l’on prenait encore il y a peu d’années, ses bains en plein air.
De l’autre côté de la source sont les piscines également en plein air. Il y en a trois : une pour les hommes, l’autre pour les femmes et la troisième pour les pauvres, ce qui rappelle la célèbre formule : ni hommes ni femmes, tous Auvergnats. Ces piscines furent construites vers 1858, sous l’administration de M. Anselme des Pomeys, par le fermier des eaux, M. Combe, avec le premier établissement qui comprenait enfin des cabines et des baignoires distinctes.
Jusques là, il n’y avait en que l’ancienne piscine, construite probablement au XVe siècle où les choses se passaient de la façon la plus primitive. Nous en trouvons un curieux témoignage dans une lettre de Mme de la Rollière à Mlle de Franquières, en date du 20 août 1777 :
« Il s’est écoulé plusieurs siècles, Mademoiselle, depuis que je n’ai eu le plaisir de m’entretenir avec vous, ayant habité quelque temps dans un pays perdu, c’est-à-dire dans les montagnes du Vivarois, que les correspondances ne gravissent point. Elles sont toutes suspendues pendant le séjour que l’on y fait pour y boire des eaux minérales, dans lesquelles on se plonge ensuite, à la plus vive ardeur du soleil. C’est là le moindre des inconvénients qu’on y éprouve, car on y est pêle-mêle, hommes et femmes, sains et galeux, rogneux, etc., pauvres et riches, dans un contenu d’eau de deux toises en carré. J’y ai vu jusqu’à quarante personnes à la fois, et lorsque la surface du fond est couverte, on se met les uns sur les autres. Ajoutez à cela une eau qui ne se renouvelle que par un fil et qui, par conséquent, est coupée, au moins par moitié, avec, toutes les eaux que l’on a bues avant de s’y mettre. M. Daumont prétend que c’est du choc de tous ces sels réunis que naît le bien que chaque individu en reçoit pour sa santé et surtout pour les maladies de la peau. La peinture de ce cloaque est celle des bains de St-Georges, lesquelles ne seraient pas supportables si on n’y allait pas en société » (1).
Une deuxième source coule à quelques mètres plus haut de la grande source, sous un châtaignier ; son débit, quoique faible, va être utilisé.
St-Georges est une station d’eaux patriarcale, une sorte d’annexe de Valence. Tous les baigneurs se connaissent. Quand nous la visitâmes, il y a quelques années, il nous fut impossible d’y trouver l’ombre même d’un médecin, et la réclame pour les eaux y était tellement inconnue qu’il nous fallut repartir sans avoir pu nous procurer, soit dans les deux hôtels soit ailleurs, le moindre prospectus contenant une notice quelconque sur les eaux.
D’après une analyse de M. Ossian Henry, qui nous a été communiquée depuis, on y trouverait, sur mille grammes de liquide :
Acide carbonique libre . . . . . . . . . . . 0.07
Bicarbonate de chaux . . . . . . . . . . . . 0.28
id. de magnésie . . . . . . . . . } 0.03
id. de fer protoxydé . . . . . . . }
Sulfate de chaux et de soude . . . . . . . . 0.10
Chlorure de sodium . . . . . . . . . . . . } 0.04
id. de magnésium . . . . . . . . . }
Bicarbonate de soude . . . . . . . . . . . . 0.10
Silice, alumine . . . . . . . . . . . . . } 0.04
Matière organique de l'humus . . . . . . . }
Principe arsenical, traces légères . . . . .
Cette analyse trop sommaire aurait besoin d’être refaite. En somme, elle révèle dans la composition des eaux de St-Georges les deux éléments si recherchés aujourd’hui par les médecins hydropathes : le fer et l’arsenic. Sous ce rapport, elles se rapprochent des eaux de Royat, avec une minéralisation plus faible, il est vrai.
La notice, d’où cette analyse est extraite, se borne à dire qu’on retire de ces eaux d’excellents effets dans un grand nombre d’affections, et notamment dans les maladies de l’estomac, des intestins, des reins, de la vessie, de la matrice et de la peau, et qu’elles conviennent spécialement aux personnes chlorotiques et anémiques, aux constitutions nerveuses et irritables auxquelles les préparations pharmaceutiques rendent peu de services. S’il fallait prendre ce certificat à la lettre, les eaux de St-Georges guériraient, comme on le voit, presque toutes les maladies humaines, en quoi, d’ailleurs, elles ne feraient que participer au privilège de panacée universelle que les intéressés attribuent invariablement à leurs eaux respectives.
D’après des renseignements puisés à une source plus sérieuse, les eaux de St-Georges ne guérissent pas toutes les maladies, heureusement pour elles, car si elles avaient cette vertu, il n’y aurait ni piscines, ni hôtels, ni ville, ni vallée assez larges pour contenir leurs clients ; mais elles sont réellement utiles pour atténuer un certain nombre de nos infirmités et parfois même – quand le malade veut bien s’y prêter – pour les guérir. Ces eaux paraissent surtout reconstituantes et l’on assure que peu de chloro-anémies résistent à leur action. Administrées avec méthode, elles sont aussi sédatives et résolutives. On a vu nombre de maladies nerveuses céder à leur emploi. Le docteur Chalvet, de Valence, qui les suit depuis quelques années, a rédigé plusieurs observations de femmes atteintes de tumeurs fibreuses de l’utérus avec hémorrhagies persistantes, suivies de guérisons qui ne se sont pas démenties depuis lors. Il a également vu certaines affections cutanées (eczémas, ulcères anciens) guéris ou heureusement modifiées par l’usage de ces eaux.
Si nous ne craignions d’abuser de la patience de nos lecteurs, nous répéterions ici ce que nous avons dit dans de précédents Voyages à propos des eaux minérales. Ce n’est pas tout d’aller aux eaux, il faut d’abord bien choisir celles qui conviennent à l’état particulier du malade, et là dessus l’avis d’un médecin est presque toujours indispensable. Il faut ensuite savoir se soumettre à un régime qui, au lieu de paralyser l’effet des eaux, en assure ou en accroisse l’efficacité. Or, il nous semble qu’à ce point de vue, les petites stations, où l’on va ordinairement pour guérir, valent mieux que les grandes, où l’on va trop souvent pour s’amuser et où, d’ailleurs, les tentations sont plus fortes et plus multipliées.
Comme il n’y a rien d’inutile dans la nature, nous sommes bien convaincu que la composition et le degré de thermalité des eaux de St-Georges correspondent à certains buts médicaux qu’une observation attentive fera de mieux en mieux découvrir et préciser.
Il vient aux eaux de St-Georges deux ou trois cents baigneurs dans la saison, la plupart de Valence et des environs. Il y en avait une cinquantaine lors de notre passage.
La station possédait deux hôtels : l’un tout près des sources, tenu par le fermier des bains, nommé Bertrand, et l’autre, en face, sur la rive opposée du Turzon, tenu par la veuve de Combe, l’ancien fermier. Ils peuvent loger à eux deux soixante à quatre-vingts personnes, et nous ne croyons pas qu’on en ait jamais vu davantage à la fois à St-Georges. Du reste, il y en a toujours un certain nombre qui logent au village même, les uns par économie, et les autres pour s’imposer l’obligation toujours salutaire de faire suivre et précéder leurs bains d’une petite promenade.
Les pensionnaires de l’hôtel Bertrand dînaient en plein air sous une tente. Ceux de l’hôtel Combe étaient condamnés à dîner dedans, bien que l’hôtel possède une charmante terrasse, plantée d’arbres, et faite exprès pour que les baigneurs pussent dîner dehors. Nous voulûmes au moins nous procurer ce plaisir et nous nous fîmes servir à déjeuner sous les platanes, d’où nous dominions la rivière, les eaux, et où les conversations de la table d’hôte de l’hôtel Bertrand venaient jusqu’à nous en gai bourdonnement.
Des jeunes gens venus de Valence eurent la même idée et se firent aussi servir à déjeuner sous les arbres. Ils étaient fort en train. Une jeune bonne, surveillant un enfant, tournait autour d’eux. Les jeunes gens firent fête à l’enfant qui était laid, s’il est possible à un enfant d’être laid ; moi je suis de l’avis de notre compatriote, le peintre Charles Serret, qui les trouve tous jolis et qui, en s’inspirant des grâces naturelles de leur figure, de leurs gestes et de leurs jeux, a exposé cette année chez Durand-Ruel une si délicieuse collection de dessins et de pastels. Revenant à mon sujet, je me demandais pourquoi mes voisins de table ne disaient rien à un magnifique et gracieux enfant que gardait tout à côté, une servante à la mine renfrognée ! O deloï oti – lisez le fabuliste grec.
Une voiture fait tous les jours le service de Valence à St-Georges pendant la saison des eaux.
La vallée du Turzon est étroite mais bien aérée et les brises, qui lui viennent des hautes Boutières, tempèrent fort agréablement la chaleur qu’elle doit à son exposition au sud.
Les flancs de la montagne sont malheureusement assez dénudés ; les arbres manquent même dans le voisinage de la station. Si nous étions la municipalité de St-Georges, nous voudrions avant tout remédier à cette lacune, la plus grave de toutes. Une avenue plane et bien ombragée, suivant la rive gauche du Turzon depuis l’hôtel Combe jusqu’au dessous du bourg, semble tout indiquée par la nature des lieux.
La petite station de St-Georges est, d’ailleurs, en voie de progrès. Il y a dix-sept baignoires. On travaille à améliorer les cabines et à agrandir les piscines. Un système complet d’hydrothérapie avec des irrigations continues y sera installé dès cette année, et on prépare une salle d’inhalation pour la saison prochaine.
On construit aussi un hôtel à mi-coteau, entre le village et la source, à une altitude de 300 mètres, d’où l’on aura une vue splendide sur la vallée du Rhône et les Alpines. Cet hôtel, qui pourra contenir une quarantaine de baigneurs, possédera une bibliothèque et une salle de jeux, mais ne sera terminé que pour la saison de 1889.
A quelle époque remonte la découverte des eaux de St-Georges ? Une tradition locale l’attribue à un seigneur de St-Marcel-de-Crussol, atteint de dartres ou de la lèpre, qui, y étant venu se baigner plusieurs fois en cet endroit, se trouva guéri.
On nous a montré sur le rocher même de la source la date de 1140 écrite en caractères arabes, ce qui, on en conviendra, n’est pas fait pour convaincre ceux qui savent que jusqu’au XVe siècle on n’a guère fait usage en France que des caractères romains.
On nous a assuré qu’il existait à la mairie de St-Georges des pièces constatant que les eaux étaient connues au XIIe siècle, mais nous n’avons pu vérifier le fait.
Elles étaient, dans tous les cas, connues au XVe siècle, puisqu’on a trouvé, il y a quelques années, soigneusement placées dans l’un des murs de l’ancienne piscine, des médailles et des monnaies à l’effigie du pape Félix V (l’ex-duc de Savoie, Amédée VIII), le dernier pape d’Avignon qui déposa la tiare en 1449. M. Anselme des Pomeys, maire de St-Georges, qui signale ce fait, dans un mémoire daté de 1868, ayant pour objet de réfuter une pétition de quelques habitants du hameau du Blod qui demandaient leur annexion à la commune de Charmes, en conclut que ce pape vint prendre les eaux de St-Georges après sa déposition au synode de Lyon. Mais la déduction est peut-être un peu forcée, et nous pensons que la découverte de ces médailles prouve, simplement, que la piscine détruite datait du pontificat de Félix V.
M. Philibert Bugnyon, avocat à Lyon, a publié en 1583 à Lyon chez Rigaud, un petit in 8 sur les eaux de St-Georges, intitulé : Discours des propriétés et vertus d’une source d’eau retrouvée nouvellement en Vivarez, à deux lieues de Valence, de l’autre côté du Rhône.
Cet opuscule, mentionné dans quelques recueils bibliographiques, et notamment au supplément du Manuel du Libraire, de Brunet, est excessivement rare. Nous l’avons vainement demandé à la Bibliothèque Nationale de la rue Richelieu, aux bibliothèques de l’Ecole de Médecine et de l’Académie de Médecine de Paris, aux diverses bibliothèques publiques de Lyon, aux Archives départementales de l’Ardèche, de la Drôme, de l’Hérault, etc. Carrère, dans son Catalogue des Eaux minérales (Paris 1785), dit qu’il n’a pu se le procurer et qu’il le signale sans savoir à quelle source il est fait allusion. Boniface, l’ancien pharmacien du Bourg-St-Andéol, l’auteur de la première Notice sur les eaux minérales du Vivarais, que reproduit Carrère, et que nous avions déjà lue dans les papiers de dom Bourotte (2), dit aussi qu’il ne connaît que de nom l’ouvrage de Bugnyon.
Ce Bugnyon était de Mâcon. Poète et jurisconsulte, il a laissé un certain nombre d’ouvrages, indiqués par Brunet, qui font le bonheur des bibliophiles qui les ont, et le désespoir de ceux qui ne les ont pas, aussi peu lus, d’ailleurs, des premiers que des seconds. Le plus connu est intitulé : Les loix abrogées et inusitées en toutes les cours du royaume de France, recueillies de tous bons autheurs praticiens. Lyon, Molin 1563. Cet ouvrage, qui a paru aussi en latin en 1568, a en plusieurs éditions. Notons encore le Discours sur l’espouvantable et merveilleux desbordement du Rhône, dans et à l’entour de Lyon, chez Rigaud 1570. Si quelqu’un de nos lecteurs sait où se trouve un exemplaire de l’opuscule sur les eaux de St-Georges, nous le prions de nous l’indiquer.
Le Catalogue des Eaux minérales, de Carrère, donne, d’après Boniface, les détails suivants sur les eaux de St-Marcel-de-Crussol, sans avoir l’air de soupçonner qu’elles sont identiques aux eaux de St-Georges :
« La source minérale est à un petit quart de lieue de St-Marcel, à une demi-lieue du Rhône, dans un fond entouré de montagnes, qui forment une espèce d’entonnoir, sur un sol pierreux et ferrugineux et près d’un ancien volcan ; elle sourd au fond et sous les degrés du bain des femmes. Il y a deux bains découverts pratiqués dans le roc : 1° le bain des hommes, 2° le bain des femmes. On la dit chaude. Cependant, dans les expériences de M Boniface, elle a fait descendre le thermomètre au 16e degré, tandis que la chaleur de l’atmosphère était au 19e, et ensuite au 18 1/2, tandis que la température était au 23e. M. Boniface conclut de l’analyse qu’il en a faite, que cette eau contient une terre alcaline, une très-petite quantité d’alcali minéral et un terre onctueuse qu’il croit bitumineuse, sans aucun mélange de fer ; il la dit très-peu purgative et employée avec succès dans les maladies de la peau. » (3)
En 1762, le curé de St-Georges, appelé Dye, écrivait à dom Bourotte :
« Il se trouve, à un bon quart de lieue de St-Georges, une fontaine d’eau minérale sulfureuse, excellente pour les plaies, gales et semblables… Les habitants sont très pauvres… »
Les archives départementales de l’Ardèche, comme celles de la Drôme, contiennent peu de documents sur St-Georges. Nous voyons seulement figurer dans l’inventaire sommaire :
1594-1595. Lettres au syndic du Vivarais sur les exactions de M. de Tournon à St-Georges et à St-Marcel de Crussol.
1700-1786. Délibération de la commune de St-Georges qui sollicite un secours des Etats du Vivarais pour établir un nouveau chemin, suivant le devis du sieur Teurlot, avec offre de contribuer par moitié à la construction, l’ancien chemin créé avec le concours des mêmes Etats étant trop rapide et entièrement dégradé.
1762-1768. Adjudication des travaux du chemin de Charmes à St-Georges.
1784 Délibération des Etats du Vivarais sur la demande des habitants de St-Georges pour la construction d’un troisième bain.
1701-1789. Bail des ouvrages à faire pour la construction des bains des eaux minérales de St-Georges, adjugé au sieur Fialez dudit lieu, pour 200 livres accordées par les Etats du Vivarais (4).
Vers 1788, une dame Danty écrivait à M. Duclaux de Bésignan, à Valence : « Nous avons eu sept quintaux de cocons de neuf onces de vers à soie ; la feuille a été très rare ; j’en suis quitte cette fois pour quelques boutons et une fluxion sur le nez ; les bains de St Georges rétabliront ma santé… On ne parle à Valence que du magnétisme ; les ballons ont eu leur tour, mais leur règne est presque fini (5)… »
St-Georges était, dit-on, le but de la promenade habituelle du lieutenant d’artillerie Bonaparte et du musicien Victor, devenu duc de Bellune, quand tous deux étaient en garnison à Valence. On montre même un noyer sous lequel le futur Empereur des Français aurait dansé, et l’on raconte qu’un jour c’est lui qui organisa une sorte de tente pour protéger les danseurs contre une pluie d’orage. Il est bien entendu que nous reproduisons cette tradition locale pour ce qu’elle peut valoir, bien que l’auteur d’un article, publié par le Courrier de la Drôme le 25 juin 1844, aille jusqu’à spécifier la pelouse « sur laquelle le lieutenant Bonaparte, déposant sa gravité habituelle, cherchait, d’un pas incertain, à suivre la mesure que marquait le violon de Victor Perrin… »
L’article est, d’ailleurs, fort intéressant comme écho de l’ancienne vogue des eaux de St-Georges dans la société valentinoise. « Nos pères, dit-il, se souviennent encore des beaux jours de St-Georges ; vers la fin du siècle dernier, c’était le séjour de la bonne compagnie ; Valence surtout lui fournissait un brillant contingent. Les belles dames qui, en hiver, peuplaient les salons de l’abbé de St-Ruf et de la marquise de Veynes, ne dédaignaient point, en été, les modestes habitations du village de St-Georges et allaient, par un piquant contraste, y chercher les plaisirs simples mais vifs que procurent le sans-gêne et la désinvolture de la vie des champs. Les officiers de la garnison y affluaient… Ce qu’on renaît chercher à St-Georges était pourtant d’une simplicité toute juvénile : les plaisirs du bain dans des bains taillés dans le roc remplis d’une eau pure, onctueuse et légèrement thermale ; l’air balsamique des montagnes et une vue splendide ; le soir, des réunions sur la pelouse et des danses champêtres. Tout y était sans art : cuisine homérique, logements arabes, toilette en déshabillé ; c’était un parfait contraste avec l’existence de la ville qu’on était charmé de quitter pour quelques jours. »
L’auteur ajoute que les goûts et les habitudes, en se modifiant, éloignèrent peu à peu d’un établissement demeuré trop stationnaire les amis du confort et de l’élégance, et qu’alors le fermier y établit un petit hôtel avec café. « Il a pensé que la piscine de Siloë n’était plus de notre époque et que la toilette en plein air avait quelques inconvénients. Le premier préfet de l’Ardèche, M. Caffarelli, visitant l’établissement de St-Georges, fut singulièrement choqué de ces usages, pleins pourtant de modestie et d’innocence ; il les frappa de sa réprobation dans une statistique du département qu’il publia. Cette défaveur de l’autorité fut sans doute l’une des causes de la décadence de cet établissement. L’ancienne administration des Etats en Vivarais y avait fait exécuter d’assez importants travaux ; depuis la Révolution, il a été complètement négligé. »
Après avoir parlé des nouveaux cabinets de bains l’auteur ajoute :
« La fontaine de St-Georges mérite la réputation qui lui attire chaque année bon nombre de malades et le nom de bonne fontaine que lui donne leur reconnaisance. Elle contient en assez grande quantité du sulfure de fer (pyrite ferrugineuse) dont la décomposition élève sa température en tout temps à 20° Réaumur. Elle contient, de plus, une substance semblable à la gélatine (ce qu’on appelle aujourd’hui glairine) et du gaz azote qu’on voit s’échapper en globules. Demandez à MM. les docteurs-médecins quelles doivent être les vertus curatives d’une eau ainsi constituée, et ils vous nommeront aussitôt un grand nombre d’affections, tant internes qu’externes, auxquelles elle est éminemment appropriée… »