Voyage dans le midi de l’Ardèche

Docteur Francus

- Albin Mazon -

XVIII

Les Merle de La Gorce

Les anciens seigneurs de Vallon. – Une quittance de la dame de Salavas en 1448. – Mlle d’Apchier en 1793. – Mathieu Merle. – Un trait d’héroïsme au siège de Vallon. – Le serrurier Chalanqui. – Moyen infâme dont il se servit pour faire capituler la Tour du Moulin. – La mort d’Hérail de Merle. – Le défenseur de Salavas contre le duc de Rohan. – Construction du nouveau château de Vallon. – Les tapisseries de la famille de Montréal.

Les plus anciens documents connus nous montrent tout le bassin de Vallon avec la Gorce et Salavas appartenant à une famille de seigneurs sur laquelle on sait, d’ailleurs, fort peu de chose. M. Ollier de Marichard a trouvé, dans de vieux papiers, l’indice que cette famille aurait joué un certain rôle aux XIIIe, XIVe et XVe siècles ; du moins, à cette époque, elle était alliée aux plus anciennes et plus nobles familles du Vivarais, plus tard, du Gévaudan, par les barons d’Apchier.

La seigneurie de Vallon, dont le seigneur est désigné comme dominus castri de Avalone, aurait été d’abord divisée sur trois titres de maisons seigneuriales : d’Aubenas, de la Gorce et de St-Martin. Le plus ancien titre est un hommage fait par Giraud, seigneur de la Gorce, au comte de Valentinois, comme baron de Chalancon, le 14 des calendes de décembre 1257. Même hommage est rendu par Claude d’Apchier en 1470. Avec ces actes provenant des archives de la maison de la Gorce, se trouvent les hommages et reconnaissances au seigneur de la Gorce, faits par les nobles pariers de la seigneurie de Vallon, soit de la maison d’Aubenas, soit de celle de St-Martin ; malheureusement, aucun nom propre ne suit la désignation de dominus castri de Avalone jusqu’en 1398. Cette année-là, c’est un noble Giraud, seigneur de la Gorce et de Vallon, qui fait hommage (le 18 janvier) de la seigneurie de Vallon au seigneur de Joyeuse, seigneurie qu’il possédait par suite de son mariage avec Mingone Villate, héritière des anciens seigneurs de Vallon. Ce titre de seigneur de Vallon se retrouve constamment sur les actes anciens relatés dans les papiers des seigneurs de la Gorce avant 1380, époque du mariage de noble Giraud, seigneur de la Gorce, avec Mingone Villate. Mais quels sont ces seigneurs ? Tous les vieux débris des archives de Vallon furent brûlés, pillés ou dispersés pendant les guerres religieuses, et les registres de notaires, dans la contrée, ne remontent pas au delà de 1500. Il y a une lacune regrettable de 1350 à 1408. Mais de 1408 jusqu’à nos jours M. Ollier de Marichard a pu, soit par le baptistère de la mairie de Vallon, soit par le marquis d’Aubais ou d’autres ouvrages, rétablir presque toute la série des seigneurs de la Gorce, Vallon et Salavas. Il a suivi les barons d’Apchier, les des Astards, les de Borne, les de la Baume, les du Pont, comtes de Vallon ; enfin les de la Gorce, à partir du capitaine Mathieu Merle jusqu’à aujourd’hui.

Dans un registre de notaire d’Aubenas de 1434 nous voyons figurer magnifique et puissant homme Louis d’Apchier, seigneur de la Gorce et de Salavas, de qui maître Jean Sabatier, médecin, d’Aubenas, reconnaît tenir :

1° Le quart de toute la juridiction haute et basse du château et du mandement de Bana, (1) droits indivis avec les seigneurs de Bana ;

2° Le quart du huitième des émoluments d’invention et péages ou poussiérages et autres droits ;

3° Le quart d’un quartaut d’avoine à recevoir des hommes de Pegères pour entrées. Pour toutes les choses contenues dans ce fief, Sabatier promet de garder fidélité à Louis d’Apchier et à ses successeurs avec hommage et serment de fidélité. Il le jure sur l’Evangile, en donnant le baiser de fidélité, en mettant ses mains dans les mains du seigneur et faisant hommage. Cet acte est passé à Aubenas dans la maison de maître Etienne Sabatier, notaire, en présence de vénérable homme messire Antoine Storofit, licencié ès-lois, de noble Guidon Nogier, – Pierre Rochette, notaire.

Dans un autre acte de 1448, nous trouvons une quittance signée par dame Claude d’Apchier à l’occasion d’un échange de propriétés entre deux habitants de Mirabel. Une de ces propriétés, formée d’un pré et d’un devois, relève de la maison d’Apchier. Dame Claude donne l’investiture par la lettre suivante insérée dans l’acte et que nous reproduisons, avec son orthographe, comme un échantillon de l’idiome local à cette époque :

« Je dama Dapchier et de la Gorsa est certificata da questa presente littera et lo contengut daquela per la tradicione d’une peyra investe et lause ledit Nicholay Jauffre del prat et deves de Reyscropt et los laus confesse aver agut et de aquelos le quite en la presentia deux nobles Johan Bastard de Apchier Raymond Osial et de Peyre Julian de Mirabel et concen que lo notari la engeristha en lestrumen de la compra. Escrip a Salavas lo XXV de febrier l’an mil CCCCXLVIII.

Clauda.

Ce qui signifie :

Moi, dame d’Apchier et de la Gorce, informée du présent acte et de son contenu, par la tradition d’une pierre, j’investis et autorise ledit Nicolas Jauffre du pré et devois en question, et je reconnais avoir reçu les lods, et lui en donne quittance, en présence des nobles Jean Bastard d’Apchier et Reymond Osial et de Peyre Julien, de Mirabel, et je consens que le notaire l’enregistre dans l’instrument de l’achat. Ecrit à Salavas le 25 février 1448.

Signé : Claude.

Selon le P. Anselme, la maison d’Apchier a la même origine que celle de Joyeuse et descend de Guérin de Châteauneuf qui épousa, au XIIe siècle, Alix, dame d’Apchier, en Languedoc, tandis que son frère, Guy de Châteauneuf, devenait la tige de la maison de Joyeuse. La branche aînée de cette famille qui a possédé Vallon, la Gorce et Salavas, s’éteignit avec Marguerite d’Apchier qui épousa en 1636 François de Crussol, duc d’Uzès – la même dont nous avons parlé, à propos de Banne, comme ayant obtenu de Louis XIV la concession de toutes les houillères de France.

Une branche cadette existe encore, croyons-nous, en Vivarais, avec le surnom de Vabres ou de Hautvillars. Une demoiselle d’Apchier, de cette branche, se distingua en 1793 par un courage héroïque. Son père, qui habitait Vernoux, se réfugia à Lyon, où il fut arrêté. Sa fille parvint à avoir une entrevue avec Brunières, l’un des juges du tribunal révolutionnaire. Là, sans témoins, elle lui dit avec fermeté : « Tu as indignement trompé la République ; tu as de faux papiers ; le nom que tu portes n’est pas le tien : je te connais, tu es gentilhomme, et, de plus, tu as été un des gardes-du-corps du roi d’Espagne ; j’en ai des preuves écrites, et, si tu es dénoncé, dans vingt-quatre heures, tu monteras sur l’échafaud. Je te demande la liberté de mon père, réfléchis ».

Brunières lui répondit que le seul moyen de sauver son père était d’apporter, dans un court délai, une pétition signée de trente bons patriotes qui le réclameraient. Mlle d’Apchier courut à Vernoux, obtint les signatures, retourna à Lyon et le tribunal révolutionnaire fit aussitôt remettre son père en liberté. Poncer rapporte ce trait d’après un opuscule intitulé : Un chapitre de plus au mérite des femmes. Souvenir de la Terreur à Lyon en 1793, par Maurice de Longeviale. – Lyon, Dumoulin, 1852.

François de la Baume, seigneur d’Uzer et de Tauriers, épousa vers 1570 Jeanne de Borne qui lui apporta le fief de Vallon. Jean, son fils, qualifié de comte de Vallon, se maria avec Françoise de Montagut, dont il eut deux fils, Christophle et François, morts sans postérité et quatre filles. Un de ses fils fut chambellan du duc d’Orléans. L’aînée des filles, Marie-Marthe, épousa, en 1626, Antoine du Pont, seigneur du Pont de Mars, près de St-Agrève, d’où il était originaire, et lui apporta plus tard le comté de Vallon. François de Molin du Pont, comte de Vallon, fils d’Antoine, marié à Catherine de Castrevielle-Montvallat, était en correspondance en 1672 avec André de Lafaïsse, un personnage protestant, d’Aubenas, récemment exhumé par l’érudition du baron de Coston. Après la mort sans enfant de ses deux petits-fils, le comté de Vallon fut acquis, vers 1750, par la famille de Merle au prix de cent cinquante-deux mille livres (2).


En 1581, la baronnie de la Gorce et Salavas échut au fameux capitaine protestant, Mathieu Merle.

Mathieu Merle était d’Uzès. C’était le troisième fils d’Antoine Merle qui, dans son testament fait à Uzès en 1555, se qualifie noble ainsi que sa femme Marguerite de Virgili. Mathieu Merle était d’une taille athlétique et d’une force qui n’avait d’égale que son courage et sa hardiesse. Après avoir débuté dans les gardes du baron d’Acier, devenu ensuite duc d’Uzès, il passa au service du beau-frère de ce dernier, M. de Peyre, Après la St-Barthélemy, où périt M. de Peyre, Merle réunit une trentaine de ses coreligionnaires et s’empara de Malzieu, petite ville du Gévaudan où, pendant l’année 1573, il résista aux attaques de tous les seigneurs catholiques. Plus tard, il s’empara d’Issoire, s’y maintint, et en fut nommé gouverneur, à la signature de la paix, en 1576. La guerre civile ayant éclaté de nouveau, il s’empara de Mende en 1578 et battit tous ceux qui essayèrent de l’en déloger. Une des clauses de la paix en 1580 fut l’évacuation de Mende, et Merle reçut, en échange de cette ville, la baronnie de la Gorce et de Salavas que lui céda le baron d’Apchier, et le double titre de baron de ces deux fiefs qui lui fut confirmé par lettres-patentes du roi. Mathieu Merle vint habiter le château de Salavas, où il mourut vers la fin de janvier 1584. Son testament est en date du 6 décembre 1583. Il avait épousé, le 20 octobre 1576, à Roffiac, dans la Haute-Auvergne, Françoise d’Auzolle. Merle est qualifié, dans son acte de mariage, de gouverneur de Marvejols.

M. Ollier de Marichard dit que Merle mourut d’une maladie de langueur. Imberdis rapporte, d’après un manuscrit d’Issoire, qu’il « mourut d’une maladie qui lui avait brûlé les intestins et qui lui faisait sortir effroyablement la langue de la bouche ». Sa veuve paraît s’être assez facilement consolée, car elle se remaria deux fois : la première, le 29 juillet 1585, un peu plus d’un an après la mort de son mari, avec Antoine de Beaumont, seigneur de Brion, et la seconde, en 1595, avec Adam d’Audibert, seigneur de Vandras.

M. Ollier de Marichard a publié récemment, dans le Bulletin de la Société d’agriculture, des arts et des sciences de l’Ardèche, une notice sur Mathieu Merle dans laquelle il fait ressortir les hautes qualités militaires de ce personnage, mais nous avons vainement cherché dans son travail une réfutation des graves accusations de massacre et de rapine que les historiens du Gévaudan sont unanimes à lui reprocher.

Dans un opuscule imprimé chez Léopold Georges à Florac, sous le titre de Fragments de l’histoire du Gévaudan, on peut lire l’extrait d’une enquête faite par ordonnance du sénéchal de Quercy, à la requête du syndic du clergé en 1581, d’où il résulte que sur deux mille prêtres environ qu’il y avait avant les troubles au diocèse de Mende, seize cents avaient été massacrés. L’enquête mentionne d’horribles cruautés commises par Merle et les siens à la suite de la prise de Mende le 25 décembre 1579. – Imberdis raconte aussi des faits atroces commis par Merle à Issoire et à Ambert (3). Quand le duc de Montpensier écrivait : « Nous aurons Merle ; avec lui, j’attaquerais cinquante mille diables », il indiquait assez que la réputation de cet allié terrible n’était pas celle d’un modèle de douceur. La seule excuse, si c’en est une, des procédés de Merle, c’est que l’humanité n’était guère de son temps à l’ordre du jour ; que les massacres de la St-Barthélemy avaient porté au paroxysme la fureur des huguenots, et enfin, que les excès des catholiques, en de nombreuses rencontres, et notamment lors de la prise d’Issoire par le duc d’Anjou, ne le cèdent guère à ceux de Merle et des autres chefs protestants. Il nous semble donc qu’il ne convient à personne de crier trop fort et que le plus sage est de couvrir d’un silence également réprobateur les exploits sanglants des deux partis à cette triste époque.

Mathieu Merle laissa plusieurs enfants, entr’autres Hérail de Merle qui fut, comme lui, un grand batailleur, mais qui, en 1609, ayant épousé la fille du brave Montréal, le chef des catholiques du Vivarais, abandonna la religion protestante, ce qui lui valut naturellement la haine, une haine furieuse, de ses vassaux protestants de Salavas et de la Gorce. En 1621, de duc de Montmorency vint pour l’aider à réduire Vallon révolté. Un chef réformé, d’Antièges, le prévint, et, passant par le pont d’Arc, se jeta dans la place avec deux cent hommes. Montmorency fut obligé de faire un siège régulier. L’attaque et la défense furent également vigoureuses. Un des derniers seigneurs de Rochecolombe, qui combattait dans l’armée catholique, se signala alors par un acte héroïque digne des héros de Plutarque. En repoussant une sortie des assiégés, M. de Rochecolombe perdit son fils aîné, M. de St-Maurice « qui tomba à ses pieds d’une mousquetade reçue au travers du corps. Il fut emporté (ajoute le chroniqueur) à la vue du père sans que cette douleur fût capable de lui faire perdre le moindre avantage de ceux qu’il avait gagnés et qu’il garda jusqu’à ce qu’on vint le relever » (4). D’Antièges fut obligé de capituler.

Le baron de la Gorce partit peu après avec le duc de Montmorency pour le siège de Montauban. Ses vassaux en profitèrent pour s’emparer, grâce à la ruse d’un serrurier nommé Chalanqui, de son château de Salavas dont ils massacrèrent la garnison et où ils capturèrent la baronne de la Gorce avec ses enfants. Mais le château de Salavas avait une position de peu d’importance sans la Tour du Moulin dont la garnison avait repoussé toutes les attaques des protestants. Chalanqui eut alors recours à un moyen infâme. Il conduisit la baronne et ses enfants devant la Tour du Moulin et l’obligea, le couteau sur la gorge, à demander elle-même la reddition de la place. Plaisian, de Baubiac et d’autres secoururent le Chastelas, mais, en se retirant, ils furent battus dans le bois de St-Remèze au Saut du Loup et les protestants en firent un grand carnage. Deux courageux catholiques de Salavas échouèrent peu après dans leur tentative pour rendre Salavas à la famille de la Gorce. La paix opéra cette restitution.

A son retour de Montauban, Merle de la Gorce ne manqua pas une occasion de se venger de ses ennemis, mais il tomba dans une embuscade qu’il avait dressée lui-même aux protestants de Vallon et de Salavas et fut massacré avec son fidèle compagnon, la capitaine Claron.

« Le cheval du baron fut tué et lui-même, atteint à la jambe, ne pouvant se lever qu’à genoux, les ennemis se jetèrent sur lui et, quoiqu’il fût en si piteux état, il en tua un d’un coup d’épée, et en blessa deux ou trois ; il donna tant de preuves de ce grand courage qu’il rendit plutôt sa vie par plus de cinquante blessures, que l’épée qu’on ne put jamais lui arracher des mains qu’au dernier soupir. » (5)

En 1628, le duc de Rohan dut, lors de son expédition en Vivarais, faire le siège de Salavas, dont il s’empara le 26 mars. Ce succès lui coûta deux cents morts ou blessés. M. de la Chadenède défendait la place avec quarante-cinq hommes seulement. Le duc de Rohan en avait cinq cents avec deux cents chevaux et deux canons, outre un corps de sapeurs mineurs et de pétardiers. Il me semble que s’il y avait eu beaucoup de la Chadenède en France en 1870, les choses se seraient passées autrement. Le progrès des libertés et des lumières aurait-il pour corollaire inévitable l’abaissement des courages et la diminution du patriotisme ? Au reste, il y eut des lâchetés alors comme aujourd’hui, car le sergent Donnadieu, qui commandait la Tour du Moulin, capitula honteusement. Le Chastelas dut se rendre, comme le château de Salavas, au duc de Rohan qui les fit raser tous deux.

Après la prise de Privas, Vallon fit la soumission à Louis XIII qui y passa le 5 juin 1629. Les fortifications furent rasées comme celles de la Gorce, Barjac, les Vans. « De plus, dit Pierre Marcha, comme la rage de ce parti n’avait pas épargné le rasement des maisons des gentilshommes par les mains de leurs propres sujets, il fut enjoint à ceux-ci de rebâtir à leur seigneur une maison dans le lieu où bon lui semblerait, à leurs propres dépens, S. M. ne trouvant pas à propos qu’il demeurât sans récompense, ni eux sans châtiment. » (6)

Et voilà comment fut bâti le nouveau château de Vallon, où est aujourd’hui la mairie. Cet édifice date donc de 1629 ; on obligea les habitants à des corvées pour sa construction. Il fut vendu en 1747 par Louise du Pont, comtesse de Vallon, veuve d’Antoine de Brizieux, à la famille de Merle qui jusque-là avait habité le château fort de Salavas. M. Valadier le fit acheter à la commune de Vallon vers 1845. Le château avec la place de devant et la cour de derrière ne coûta que quarante-deux mille francs. La commune fit une excellente affaire, un peu malgré elle, car M. Valadier dut vaincre bien des oppositions avant la conclusion du contrat. Les écoles y sont installées depuis 1846. Vers cette époque, l’héritier de la Gorce, M. de Chapelain, de Genolhac, qui avait fait la vente, vint examiner tous les vieux papiers qui remplissaient plusieurs placards, prit ce qui lui convenait et brûla le reste.

On remarque dans la principale salle du château, qui sert aujourd’hui aux réunions du conseil municipal, quelques tapisseries d’Aubusson assez bien conservées représentant des scènes de la Jérusalem délivrée. M. Ollier de Marichard a écrit un mémoire sur ces tapisseries qui sont signées Dorliac, Reynaud et Dausson. Ces tapisseries sont du commencement du XVIIe siècle. Elles furent très à la mode après l’apparition du poème du Tasse, surtout dans les familles nobles qui comptaient des croisés parmi leurs ancêtres – et c’était le cas de la famille de Balazuc-Montréal, de qui viennent ces tapisseries lesquelles furent apportées à Salavas (et ensuite à Vallon) lors du mariage de Merle avec la fille du brave Montréal : on sait que Pons de Balazuc prit part à la première croisade et en écrivit l’histoire avec Raymond d’Agiles. Ces tapisseries comprenaient une vingtaine de panneaux. Il en reste seulement six. Pendant la Révolution, on a découpé les armoiries des Montréal qui y étaient tissées.

Une généalogie de la maison de la Gorce se trouve dans la Collection du Languedoc tome 106, folio 230 à 318. Voici quels ont été, depuis le XVIIe siècle, les représentants de cette famille :

Henri de Merle, fils d’Hérail, épousa en 1645 Lucrèce Pape de St-Auban. Son fils, Henri II de Merle, fut tué dans le combat de Vagnas (9 février 1703), où le comte du Roure fut battu par les camisards de Jean Cavalier. Il avait eu de son mariage avec Anne de Novi deux fils, dont le premier, Mathieu, continua la branche aînée, tandis que le second, Guy Joseph, par son mariage avec l’héritière de la branche cadette des Beauvoir du Roure, allait former à Barjac la branche cadette des Merle de la Gorce.

La branche aînée fut successivement représentée, après Mathieu de Merle, par : Louis-Charles, marié à Anne-Urbaine du Roure de Florac, qui fut couronnée trois années de suite, en 1756-57-58 par l’académie des Jeux Floraux de Toulouse (7) et fut reçue en 1784 maître-ès-jeux ;

Louis Scipion, qui épousa Anne-Charlotte de Hautefort Lestrange, sa cousine ;

Enfin, Victor-Emmanuel, marié à une petite-fille de Rochambeau, et qui mourut sans postérité en laissant ses biens à sa sœur Henriette, femme du chevalier Scipion de Chapelain.

La branche cadette a eu pour représentants, après Guy Joseph de Merle :

Joseph-François, seigneur de Sizailles, coseigneur de Barjac, qui épousa en 1771 Madeleine de Pinha-Latour, dame de Larnas ;

Charles-Auguste, marié à Adélaïde-Germaine Drivet, du Bourg-St-Andéol ;

Enfin, Joachim-Edouard, marié en 1838 à Siffrénie de Biliotti, dont le gendre, M. le vicomte de Pontbriand, qui habite le château de Dions (St-Marcel-d’Ardèche), possède toutes les archives de la famille de la Gorce, comprenant la correspondance de Mathieu Merle avec Henri IV, le prince de Condé, le duc d’Alençon et les autres chefs militaires du temps.

Mathilde de la Gorce, sœur de Joachim-Edouard, épousa M. Vanel de Lisleroy et eut en dot la terre de Larnas qui appartient aujourd’hui à ses enfants, MM. Georges et Robert de Lisleroy.

Notre ami Ollier de Marichard, qui connaît à fond l’histoire de la contrée, nous signale un intéressant volume publié au siècle dernier par un la Gorce : ce sont les Mémoires d’un juge de cour au temps de Louis XV. Il y a dans ce volume des portraits de famille peints de main de maître, l’auteur étant de la maison et connaissant par suite mieux que personne les originaux. Il paraît que ces la Gorce étaient très mauvais coucheurs. Tous ont fait mauvais ménage et presque tous sont morts séparés de leurs femmes. C’étaient des autoritaires à tout crin. Ils cassaient tout ce qui ne pliait pas sous leur volonté de fer. L’auteur du volume, d’après M. Ollier, serait un Urbain de Merle qui épousa sa cousine Charlotte de Hautefort, le même par conséquent qui figure dans notre aperçu généalogique sous le nom de Louis Scipion.

  1. Banne, près de Vogüé.
  2. Notice sur André de Lafaïsse, par le baron de Coston. Bulletin d’archéologie de la Drôme, avril 1884, p. 190.
  3. Histoire des guerres religieuses en Auvergne, pages 143 et 180.
  4. Commentaires du Soldat du Vivarais, p. 52.
  5. Commentaires, p. 76.
  6. Commentaires, p. 321.
  7. Voir l’opuscule de Firmin Boissin : Le Dauhiné et le Vivarais aux Jeux Floraux.